lundi 7 décembre 2009

l'Apocalypse selon Marie de Patrick Graham

C'est en Janvier 2010 que va paraitre l'édition en format poche du second roman de Patrick Graham, l'Apocalypse selon Marie :

 Voilà ce que j'en disais à l'époque de sa sortie aux éditions Anne Carrière :



L’Apocalypse selon Marie de Patrick Graham


‘Dans la lignée du Fléau de Stephen King …’

Les boniments des éditeurs auront rarement été aussi proches de la vérité. Gilles Haumont était déjà parvenu, dans certains passages de l'Origine du Mal, à nous donner l’impression de remettre les pieds dans un univers connu des fans de romans d’épouvante, celui du Fléau de Stephen King. Patrick Graham, avec l'Apocalypse selon Marie, nous prouve qu’il peut exister en littérature, une sorte d’univers cohérent, où des fenêtres s’ouvrent d’un monde à l’autre.

Tous les ingrédients sont là pour nous rappeler cette filiation : l’éternel combat des forces du bien contre les forces du mal, les incarnations de ces deux communautés qui bougent leurs soldats sur le grand échiquier de la Planète, les manipulations génétiques, l’Armée dépassée par les évènements, les éléments qui s’opposent, la vie mise en valeur par le grand Ravage qui est à l’œuvre, des sacrifices, de l’amour, de l’horreur, etc. Vous nappez tout cela d’une parfaite connaissance de l’univers du Maître, avec régulièrement quelques clins d’œil à son œuvre et la magie opère.



‘Dehors, il le sait, le Grand Ravage a commencé.’ P146.

Ce qui fait également le charme du livre de Patrick Graham, c’est son lyrisme. Durant toute son histoire, il va insister sur la force du souvenir, sur sa bonne et mauvaise influence. Il va mettre en valeur les pouvoirs de Marie, en nous décrivant au travers de différents personnages, l’art de la culture du souvenir et de sa transmission. On n’oublie pas un souvenir, notre cerveau le range et peut le remettre à disposition lorsqu’il est sollicité par un de nos cinq sens. Une odeur, un bruit, une texture, un goût, ou une forme. Une combinaison des cinq omniprésente dans le texte de Patrick Graham. La mémoire d’un souvenir, qui, tel les braises sur lesquels on souffle, réanime le feu des moments oubliés…

« Gordon ferme les yeux et inspire de toutes ses forces. Ça sent la terre, les pierres chaudes, les algues et le limon. […] Des rives boisées qui embaument l’anis et le pignon de pin, des champs qui sentent le blé et le maïs, des rives bordées d’autoroutes qui empestent le bitume et les vapeurs de gasoil. » P129.

« Ça sent la mousse, la résine et les cendres froides. L’aube aussi, cette odeur toute particulière qui accompagne chaque matin la mort des ténèbres. Une odeur sucrée faite de fleur qui s’ouvre, de pierre et de rosée. » P134

Si la mémoire a des tiroirs, le livre a ses chapitres. Alors le lecteur rebondit d’un souvenir à l’autre. Lui aussi est sollicité. Il n’a qu’une envie, c’est de tenter à son tour l’expérience, en respirant des grains de lavande séchés, les arômes d’un jardin fraichement arrosé par une ondée passagère, les copeaux de bois d’un atelier, le bulgomme d’un dessous de table, etc. Et des expériences du genre, l’auteur nous en offre plusieurs :

‘ […] elle a l’impression de redevenir une toute petite fille. Elle sent son esprit se remplir d’odeurs anciennes. Des odeurs de sucette à la menthe, de mercurochrome, de feuilles mortes et de cour d’école. ‘ P213.

‘ […] Marie avait senti son cœur se remplir de souvenirs simples et doux. Des souvenirs d’enfance. Des odeurs de craies et de tableaux noir. Des parfums de colle blanche, d’encre et de papier buvard. ‘ P421


C’est aussi une histoire très émouvante et il y a juste quelques lettres à changer pour qu'elle passe d'émouvante, à éprouvante (pour ses acteurs) et épouvante.
Émouvante par exemple quand Marie est aux côtés de son frère, pour cueillir son dernier souffle ou quand le grand père de Gordon lui donne des conseils pour la pêche :

« - Je ne veux pas que tu me laisses seule.
- Juste deux minutes. S’il te plait Marie, laisse-moi mourir juste deux minutes, ensuite je me réveillerai. » P102.


« Dis donc, Gordie, t’es beaucoup moins con que ton père, tu sais ça ? Il a fallu que je lui explique pendant des jours ce que toi, tu as compris en quelques secondes. Le cacao ? Sacré Gordie-boy ! Maintenant qu’on sait que tu as autre chose que du beurre de cacahuètes dans les méninges, il faut que tu me promettes de ne pas aller à l’école plus de deux jours par semaine. » P127.

Éprouvante et épouvante, quand l’auteur revient aux racines de l’épouvante, en installant une peur viscérale, qui ne va faire que grandir au fur et à mesure de l’histoire. On ne peut pas s’empêcher de penser alors à ces films qui nous auront marqué les années 70 et 80 comme par exemple La Grande Menace avec Lino Ventura et Richard Burton (un clique pour voir l'extrait), où ce dernier parvient à produire d’immense catastrophe rien que par la pensée, et le Prince des Ténèbres* de John Carpenter (un clique pour voir l'extrait), pour l’utilisation maléfiques des pouvoirs du vilain et l’invasion de SDF contrôlés à distance. On pense aussi à Malhorne de Jérôme Camut, pour le passage de relais de la mémoire d’une vie à l’autre, et aussi aux Eveillés, du même auteur co-écrit avec sa compagne Nathalie Hug, pour l’utilisation surnaturel des rêves et la notion de transmission d’un pouvoir ou d’une malédiction ancestrale.



Cela pourrait paraître risquer de jouer avec le mélange des genres mais les CamHug, Patrick Graham ou Franck Thilliez avec l’Anneau de Moebius, nous ont prouvé qu'il était possible de donner des « superpouvoirs » à leurs héros sans leur ôter une once d’humanité. Bien au contraire, c’est le fait de les confronter au surnaturel qui va à la fois mettre en avant ce qui fait leur force et leur fragilité.

Un autre point commun entre ces livres, outre le fait que leurs héros respectifs sont souvent martyrisés, c’est la manière dont les auteurs nous présente leur propre machine à voyager dans le temps. Le héros de Malhorne (via la réincarnation) et de l’Anneau (via des visions de l’avenir), les héros des Eveillés (via le rêve) et ceux de l’Apocalypse dans le temps (via des visions du passé et de l’avenir).



Pour conclure, l’Apocalypse selon Marie est surtout l’occasion pour l’auteur d'écrire un pan important dans l’histoire de son personnage fétiche, Marie Parks. En la confrontant à l’horrible vérité de son passé, il lui donne une dimension qu’elle n’avait pas atteinte dans l’Evangile selon Satan. On a vraiment l’impression d'assister à la véritable naissance du personnage, tant l’envergure qu’elle gagne dans cette histoire est immense.

Le reste du casting n’est pas en reste et c’est un véritable plaisir de voir s’animer tout ce petit monde au fil des pages. Patrick Graham réalise avec ce roman, un énorme bond en avant dans son art. Il nous signale avec l’Apocalypse selon Marie, qu’il fait partie actuellement des auteurs incontournables et qu’il faudra compter sur lui dans les années à venir.

* John Carpenter considère ce film comme la seconde partie de sa Trilogie de l'Apocalypse, la première étant the Thing, la dernière l'Antre de la Folie.

Frédéric Fontès 

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