jeudi 30 août 2012

Chronique : Kaïken - Jean-Christophe Grangé (Albin Michel)

Présentation ICI
Je tiens à féliciter les éditions Albin Michel pour cette superbe couverture. Il faut reconnaitre que l'éditeur avait tendance ces dernières années à faire le minimum syndical concernant les couvertures des romans de J-C Grangé, d'Aurélien Molas et de Maxime Chattam. La donne a depuis changé avec les beaux visuels de Léviatemps et Le Requiem des Abysses.

C'est au tour de Kaïken de profiter d'un superbe écrin avec une typo qui met du même coup en avant le fameux sabre du même nom que le titre. Avec le visage en dessous et le nom de l'éditeur dans l'axe, nous profitons d'une création graphique qui donne de suite le ton.

Kaïken est avant toutes choses une immense déclaration d'amour de Jean-Christophe Grangé au Japon et à l'un de ses icônes : la femme japonaise. Rarement l'auteur aura paru aussi enthousiaste dans son écriture et dans son envie de nous faire plonger au cœur d'une culture et d'un état d'esprit. Cet amour qui transpire semble parfois naïf mais il en devient particulièrement touchant. Encore un élément troublant qui fait se mélanger l'image du héros à celle du romancier.

Pour son intrigue, l'auteur multiplie les fausses pistes pour autant déboussoler son héros que son lecteur. Comme dans son précédent roman, Le Passager, JC Grangé a tendance à écrire des personnages qui forment autant de ronds dans l'eau. Un peu comme s'ils n'étaient finalement qu'une variante du même personnage. En partant de l'un des personnages principaux, Passan, on peut facilement ajouter une variable qui nous emmène au personnage suivant, et aller ainsi jusqu'au dernier personnage clef de l'histoire. On se retrouve donc avec de drôles de similitudes qui servent peut être l'intrigue mais qui nuisent à la crédibilité de la construction. Deux personnages issus du même orphelinat, deux qui attendent leurs imminentes renaissances, deux reflets déformés d'une même image, etc.

Du coup, on se retrouve avec successivement diverses mèches d'allumées, qui sont autant de pistes possibles pour la suite de l'intrigue. Et étrangement, J-C Grangé va coup sur coup les éteindre comme on éteint la flamme d'une bougie, en les pinçant avec deux doigts humides. Pas d'explosions donc au bout de ces mèches, juste un léger panache de fumée. L'auteur a d'autres plans en tête.

Et c'est là ma grande déception. Autant je suis emballé par la présentation de ce couple atypique autant l'intrigue policière semble complètement sacrifiée pour nous emmener jusqu'à un duel qui n'en est pas hein puisqu'il ne va pas jusqu'à sa raison d'être.
D'où le fait que je me retrouve plutôt partagé à la fin de ma lecture. J'ai lu un bon roman mais certainement pas un bon thriller.
C'est étonnant de poser les bases d'une intrigue policière avec des personnages aussi forts  et de constater que finalement, il sont littéralement jetés au rebut par le romancier, d'une manière assez expéditive, presque sacrifiés pour un final qui aurait du être dantesque mais qui ne l'est pas.

On retrouve dans Kaïken la verve et la passion du voyage d'un Vol des Cigognes mais on y perd en route la majeur partie des éléments qui en aurait fait un bon thriller, un comble en soit pour celui qui se considère comme le patron du thriller hexagonal.
Si ce dernier est un tournant dans la bibliographie du romancier, son prochain roman, en parvenant à associer la passion de Kaïken à la qualité des intrigues policières de ses meilleurs livres, sera très probablement un grand cru.

L'avenir nous dira si Kaïken est une chrysalide et s'il nous montre la nouvelle orientation que souhaite prendre Jean-Christophe Grangé. C'est dire si son onzième roman sera une nouvelle fois particulièrement attendu.

Les Fantômes de Belfast - Stuart Neville (Rivages)

 « Ces ombres, elles lui étaient apparues pendant les dernières semaines de son séjour à la prison de Maze, il y avait un peu plus de sept ans. On venait de lui communiquer sa date de sortie et, ce jour-là, il avait la bouche sèche en ouvrant l’enveloppe cachetée qui contenait l’imprimé. A l’extérieur, les politiciens luttaient pour obtenir la libération de centaines d’hommes et de femmes comme lui qu’ils appelaient ‘’prisonniers politiques’’. Pas meurtriers, escrocs ou maîtres chanteurs, non… Ce n’étaient pas des criminels, mais seulement les victimes des circonstances. Quand Fegan avait terminé de lire la lettre et relevé les yeux, les Suiveurs le regardaient. »

En lecture actuellement pour le Prix 813. Je me régale, j'aime beaucoup l'écriture de Neville et son héros hanté. Chronique à venir. Je vais très certainement me ruer sur le nouveau romand e l'auteur, Collusion, à paraitre le 05 septembre prochain.

Signé le 10 avril 1998, l’Accord de Paix pour l’Irlande du Nord a mis un terme à des années de guerre sanglante. En 2007, Belfast est une ville où se presse une foule d’étudiants et de jeunes cadres, et où ont fleuri bars branchés et boutiques de luxe. Pourtant, les anciennes haines n’ont pas disparu. Entre les anciens militants toujours attachés à leur cause, les activistes reconvertis en politiciens présentables et les gangsters qui prospèrent, le pays cherche son identité.
Gerry Fegan, lui, se débat avec ses démons personnels. Depuis qu’il est sorti de la prison de Maze, cet ex-tueur de l’IRA est devenu alcoolique. Il est hanté par les fantômes des douze personnes qu’il a délibérément assassinées et ne connaît plus le repos. Le seul moyen de se débarrasser de ces ombres qui assaillent sa conscience sera d’exécuter un par un les commanditaires des meurtres. Mais les nouveaux cadavres que laisse Gerry Fegan sur son passage menacent le précaire équilibre du processus de paix. Une chasse à l’homme commence sur fond de paranoïa et de duplicité, jusqu’à un final explosif.


Avec Les Fantômes de Belfast, Stuart Neville, révélation du roman noir irlandais, signe un thriller où dominent la tension et l’effroi, servi par une écriture tranchante. Il a su donner à son personnage principal un caractère ambigu et profondément tragique. Entre remords et désir de vengeance, Fegan, qui aspire à la rédemption, incarne les contradictions d’un territoire en quête d’identité, où le feu semble toujours couver.

Frédéric Fontès



mercredi 29 août 2012

Paris en 2040 - Arthur Bernard (Parigramme)

Paris en 2040, le nouveau roman d'Arthur Bernard,  sera disponible le 27 septembre aux éditions Parigramme.

En 2040, Paris s'est dédoublé : le Paris-capitale, le Paris du pouvoir (Paris I) s'est retranché derrière un mur invisible enserrant une vaste zone courant de La Défense à Saint-Denis, tandis que le Paris que nous connaissons (Paris II) demeure la ville des monuments, des jardins, des cimetières. Tout autour, également séparée par un mur invisible, s'étend une Zone Inquiète aux contours mal définis.
Paris II baigne dans une pénombre imposée par les nécessités de la nuit écologique. C'est une ville hyper-mémorielle, célébrant et commémorant à tour de bras, la mairesse étant assistée dans cette tâche par une adjointe à la mémoire positive et un adjoint à la mémoire négative. De grands miroirs disposés aux angles des places offrent un reflet permanent de la ville à elle-même et se transforment, à l'occasion, en écrans faisant revivre les événements qui s'y sont produits dans le passé.
C'est dans ce cadre qu'évolue une petite troupe emmenée par Gaby, vénérable centenaire qui préfère se dire séculaire. Les amis forment une société des lecteurs nocturnes qui se retrouve dans la BN de la rue de Richelieu, définitivement abandonnée et qu'ils entreprennent dérisoirement de repeupler de livres. On les suit encore à la célébration de la fêt' nat' place de la Bastille, sur les quais pour une parade nautique mouvementée, sur la tombe de Blanqui au Père-Lachaise, dans le vieux métro désaffecté... Partout se croisent des 'ironistes' multipliant les manifestations-surprises, des 'branchés' circulant d'arbre en arbre, d'énigmatiques capuchonnés ou des agents double du pouvoir fomentant attentats et actions d'éclat.


Plus qu'une œuvre d'anticipation et encore moins de prospective, ce roman est une fable qui met en scène des représentations ou des fantasmes attachés de longue date à Paris ; la prédiction est ici autant celle du passé que celle de l'avenir ! Rien ne change mais tout change. Servi par une écriture musicale et poétique, ce tableau est celui d'un rêve éveillé, animant un paysage qui nous semble aussi familier qu'onirique.

Frédéric Fontès

lundi 27 août 2012

Chronique : À découvert - Harlan Coben (Fleuve Noir)

Présentation ICI
Harlan Coben se lance dans la littérature pour adolescents et jeunes adultes, en consacrant sa propre série au neveu de Myron Bolitar, j'ai nommé Mickey Bolitar.
Pas de grosses surprises concernant la mise en place du héros, l'auteur se contente de suivre à la lettre le cahier des charges des romans du genre :
l'arrivée du héros dans le nouveau décor, les ami(e)s geeks et goths, l'animosité naturelle exprimée par la coqueluche du lycée, la reine du lycée qui flash sur le héros, cette dernière étant l'ex de l'ennemi naturel du héros, etc.
De ce côté là, vous prenez par exemple Numéro quatre de Pittacus Lore (Baam!) et vous pouvez inter-changer les personnages.
Mais comme dans le roman de Pittacus Lore, Harlan Coben parvient à rendre son casting particulièrement attachant. On regrettera quand même cet enchainement de clichés et l'utilisation hasardeuse de Myron Bolitar qui semble être juste-là pour servir de caution. Mickey se révèle être une version ado de son oncle qui peut alors créer un pont sympa entre les deux séries. La conclusion de l'intrigue est un peu tarabiscotée mais l'on prendra plaisir à lire la suite, notre curiosité étant piquée.
À découvert et à suivre.
Disponible le 06 septembre, aux éditions Fleuve Noir.


Frédéric Fontès

mercredi 22 août 2012

BD : La Trilogie du Mal t.1 - Montheillet Chattam (Jungle)

L'adaptation BD de la célèbre Trilogie du Mal de Maxime Chattam est annoncée pour le 10 octobre prochain aux éditions Jungle. Le premier tome, Le Bourreau de Portland, est illustré par Michel Montheillet.
MAJ de Novembre :
C'est un plaisir de retrouver Michel Montheillet seul aux commandes d'un album. Les fans de Maxime Chattam et de la Trilogie du Mal devraientt y trouver ce qu'ils ont adoré dans les romans de l'auteur. Il ne laissera pas de marbre les fans des dessinateurs Paul Gulacy et Brian Hitch. Vivement la suite.

La Trilogie du Mal est une série de romans best-seller écrite par Maxime Chattam qui retrace les enquêtes de Joshua Brolin, un jeune inspecteur de police qui n'a qu'une certitude : Le mal est partout. Il est immortel et quand on arrête l'un de ses serviteurs, un autre se révèle. Ce thriller ésotérique à la frontière du surnaturel devient donc pour la collection Jungle Thriller une adaptation en BD dont le premier cycle est constitué de trois albums reprenant l'univers du tome 1, L'Ame du Mal. Maxime Chattam, intervient en tant que consultant pour aider l'auteur à réaliser une adaptation fidèle et forte en suspense de cet univers. Joshua Brolin n'est pas inspecteur à la criminelle de Portland depuis très longtemps. Mais son intuition semble sans faille. Et quand il reconnaît dans le meurtre d'une jeune femme défigurée et aux mains tranchées les actes d'un dangereux tueur en série, son ami Larry Salhindro se laisse convaincre sans hésiter. Malheureusement, ses autres collègues ne sont pas du même avis. Aidé de Juliette Lafayette, une jeune étudiante en psychologie, Joshua Brolin tente de comprendre ce tueur que les journaux appellent maintenant "Le Bourreau de Portland". Mais ni l'un ni l'autre ne sont préparés à cette descente dans l'horreur qui changera leur vie à jamais. 

Inspiré dès l'adolescence par des auteurs de fantastique, SF et thriller comme Lovecraft, Stephen King ou encore Tolkien, c'est très jeune que Maxime Chattam se met à l'écriture. Passionné de cinéma et de thriller, il puise son inspiration tout autour de lui pour produire son premier succès : La Trilogie du Mal publiée chez Michel Lafon. Formé aux Beaux arts à Angoulême, Michel Montheillet travaille avec Maxime Chattam à l'édition illustrée des 3 premiers romans "Autre-Monde" avant de faire l'adaptation BD de L'Ame du Mal.  

Frédéric Fontès


Chronique : Caché - David Ellis (Cherche-Midi)


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David Ellis, c'est l'auteur d'un roman assez étrange dans son genre, La Comédie des menteurs. Roman à part puisqu'il a le mérite de commencer par sa conclusion, chaque chapitre partant ensuite à rebours. Sacré exercice de style. Si vous ne connaissez, vous pouvez d'or et déjà vous ruer dessus. C'est une expérience de lecture un peu déroutante mais assez originale pour la tenter.

Dans ce contexte, vous comprendrez que l'annonce de la sortie imminente de ce nouveau roman (disponible le 30 août) puisse être particulièrement attendue par certains lecteurs.

Caché, comme l'élément qui dissimule, le temps d'un roman, la vérité aux yeux des lecteurs...

Il ne faut que quelques pages à David Ellis pour nous convaincre d'avoir entre les mains un excellent roman. Aucun doute qu'il va trouver sa place parmi les meilleurs livres du genre. Le lecteur se retrouve très vite happé par le destin d'un héros très charismatique, Jason Kolarich.

C'est sur l'intensité de ses personnages que David Ellis va broder son intrigue. Plus avare en détails techniques et judiciaires que chez son homologue Michael Connelly dans la Défense Lincoln, David Ellis prend le parti de l'émotion et de l'humain en décrivant des personnages qui restent à notre portée. À ce niveau là, il est très proche du travail de John Hart (Le roi des mensonges, Rivière rouge et l'Enfant perdu), où la famille devient l'élément central dans la mécanique de l'intrigue.

Du coup, il devient très difficile de refermer le livre avant d'arriver à la conclusion. Caché est le premier roman d'une série consacrée à cet avocat de la défense. On espère donc le retrouver dans les années qui vont suivre, aux éditions du Cherche-Midi, pour les traductions de Breach Of Trust et The Wrong Man.

Frédéric Fontès



Le Boucher - Olivier Gay (Midgard)

Après un premier roman remarqué (Les talons hauts rapprochent les filles du ciel, chronique ICI), Olivier Gay revient dans les présentoirs de librairie dans un autre genre : la fantasy. C'est le 16 septembre prochain que l'on pourra lire Le Boucher, aux éditions Midgard. La suite des aventures de Fitz est, quant à elle, prévue pour janvier 2013.

Dans sa jeunesse, l'empereur Marcus mena de nombreuses guerres et étendit son territoire avec l'aide d'un combattant et général hors pair, Rekk. Ses méthodes impitoyables et sa propension au massacre contribuèrent à pacifier les provinces et à annexer les jungles de Koush, au sud - mais provoquèrent également la haine du peuple. Afin de s'attirer leurs bonnes grâces, l'empereur exila donc Rekk le Boucher aux confins de l'empire. Vingt ans plus tard, Marcus est vieux et malade. Il n'a qu'un fils, Theorocle, qui lui cause plus de souci que de fierté. Les familles nobles intriguent dans l'ombre pour préparer sa succession. Quant à Rekk, ce n'est plus qu'un nom avec lequel les mères effraient leurs enfants le soir.

Frédéric Fontès

mardi 21 août 2012

Plaintes - Ian Rankin (Masque)

Plaintes, le nouveau roman de Ian Ranin, qui s'avère être le premier opus d'une série, sera publié le 12 septembre aux éditions du Masque. Il est traduit par Philippe Loubat-Delranc.
On vient de m'en dire le plus grand bien, je vais tenter de l'intégrer dans mes prochaines lectures.

Le service des plaintes (The complaints): les flics qui enquêtent sur d’autres flics. Malcom Fox est inspecteur dans ce service et on ne l’aime pas beaucoup. Il est solitaire, ne boit pas (ou plus), a une vie plutôt tranquille, sans éclat. Il vient juste de boucler une enquête et de mettre sur la touche un flic ripoux. Il devrait être content du résultat. Mais il a d’autres problèmes sur le dos. On vient de lui assigner une nouvelle mission : faire surveiller un inspecteur, Jamie Breck, soupçonné d’échanger des photos pédophiles sur Internet. Fox se met au travail et découvre qu’il y beaucoup plus dans l’affaire Breck qu’on ne le croit, d’autant plus qu’un meurtre crapuleux est commis bien trop près de chez lui.

Frédéric Fontès

Chronique : Cinq Ciels - Ron Carlson (Gallmeister)

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Avec Cinq Ciels, Ron Carlson fait de la construction d'un ouvrage au cœur des montagnes Rocheuses une chronique qui devient ode à la vie. Cinq Ciels mérite bien ses cinq étoiles ! Une lecture incontournable de cette rentrée littéraire 2012. Il sera publié le 30 aout prochain aux éditions Gallmeister. Il est traduit par Sophie Aslanides.

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Il m'aura fallu quelques pages pour me familiariser avec le trio formant le casting principal de Cinq Ciels. La caractérisation des personnages est particulièrement efficace dans la progression du roman puisque les personnages vont eux-même avoir besoin d'un peu de temps pour s'apprivoiser.
Ces trois loups blessés en quête de rédemption construisent ce qui doit devenir le tremplin de leur renaissance. L'apprentissage devient leçon de vie, une sorte de ticket pour la seconde chance. Un petit avant-goût du paradis pour ceux qui jusque-là, ont connu l'enfer.

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C'est alors qu'une véritable communion s'opère entre Arthur, Ronnie, Darwin, la nature, l'édifice et le lecteur.
Ce qui est frappant dans ce nouveau roman de Ron Carlson, c'est l'étrange impression que les personnages gagnent très vite leur propre autonomie et que l'auteur se contente de nous raconter une histoire qu'il ne peut contenir. Certaines ellipses sont assez déconcertantes dans ce sens et l'on comprends que l'auteur est au service de ses personnages. Et cette impression culmine dans les ultimes pages du livre, particulièrement troublantes.
Ce sont les cœurs et les âmes qui s'expriment. Impossible de ne pas ressentir une immense émotion quand au destin de ces trois hommes, que l'on a beaucoup de mal à quitter quand le rideau tombe sur ces cinq ciels.

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Frédéric Fontès

lundi 20 août 2012

Chronique : Arrive un vagabond - Robert Goolrick (Anne Carrière)

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Gorge serrée, larmes aux yeux, comme si l'on venait de nous égratigner le cœur.

Les dernières pages du nouveau roman de Robert Goolrick sont bouleversantes et marquantes, à l'image d'une montée en puissance qui prend son élan dès les premières pages du livre.

« Je vais vous raconter une histoire. »

Les plus beaux contes commencent par "il était une fois". L'aventure d'une chanson ou d'un roman débute souvent avec un titre qui vous envoûte dès que vous en prenez connaissance. Un peu comme Une Femme simple et honnête, Féroces et Arrive un vagabond. Ce dernier titre choisi pour la traduction française des éditions Anne Carrière est assez éloquent en la matière.

Encore une fois (je l'évoquais déjà après ma lecture d'une Femme simple et honnête) il crée ici une sorte d'écho à l'histoire d'Amelia Evans, héroïne de la romancière Carson McCullers que l'on découvre dans la Ballade du café triste. Un peu comme si ces romans évolués dans un univers commun.

On y respire les premières flagrances d'une mélancolie et d'une passion enivrante, qui va de fil en aiguille nous oppresser. Ce parfum ne nous quittera jamais et il persistera au-delà de notre lecture. Ces trois mots, arrive un vagabond, sont le point de départ d'une histoire retentissante, le moment où les choses semblent encore figées. Comme dans une histoire racontée oralement, c'est le moment où l'on prend une grande respiration avant d'aborder l'un des éléments déterminant de l'histoire. Comme une ponctuation dans la présentation du cadre. L'arrivée de l'incarnation du destin. Le Destin de Brownsburg, avec deux valises.

Arrive un vagabond est une histoire que l'on a tous pu connaître dans nos vies. Celle d'un amour qui nous habite soudainement sans prévenir et qui nous quitte sans aucune promesse d'avenir. Cette passion amoureuse consumant Charlie et la belle Sylvan, va hanter la vie de ses acteurs et témoins. Un coup de foudre qui rassemble deux âmes abîmées et fait de nous des témoins privilégiés, comme le deviennent les  fabuleux personnages secondaires de l'histoire tel que le petit garçon Sam et ses parents, la formidable couturière Claudie et même le chien Jackie.

Robert Goolrick ne se contente pas d'habiller ses personnages. Avec l'efficacité qu'on lui connait, il leur insuffle la vie et les nourrit pour les faire grandir. Il évoque des gens simples qui aspirent à vivre sobrement en s'efforçant de profiter des jolies choses mises à leur disposition. Il va dès le début brandir au dessus de leurs têtes une immense épée de Damoclès. Une menace perceptible en début de roman tel une simple brise, annonciatrice d'une grande tempête à venir.

Comme dans ses précédents livres, Robert Goolrick évoque le romantisme et la poésie des choses simples avec des mots simples. Une écriture qui devient partition, où chaque mot devient une note. Une symphonie à la fois magique et tragique, qui délivre dans sa dernière partie un crescendo, une montée orchestrale qui va tout souffler sur son passage, brutalement s'arrêter en nous laissant groggy, sonné, et seul.

J'ai rarement éprouvé cette sensation de lire et donc de vivre une œuvre capitale, et j'ose l'écrire,  monumentale. La précédente fois, c'était avec le magnifique Julius Winsome de Gerard Donovan.

Quand je referme Arrive un vagabond,  je comprends sans aucun doute possible, que j'ai en main un livre qui a vocation à devenir le joyau des bibliothèques de mes contemporains. Dès maintenant et pour les années à venir.

Frédéric Fontès

mercredi 15 août 2012

Sale temps pour le pays - Michaël Mention (Rivages)

Et de quatre pour Michaël Mention qui publiera son nouveau roman le 05 septembre prochain. Sale temps pour le pays sera publié aux éditions Rivages.

Ce livre revient sur la série de meurtres commis dans le Yorkshire de 1975 à 1981. David Peace, qui a eu l'occasion d'en parler dans ses romans,  n'a traité l'affaire qu'en arrière plan, alors que le roman de Michaël Mention devrait en être une stricte reconstitution.

À suivre, bien évidemment !

1976. Une vague de meurtres touche le nord de l’Angleterre ; les victimes sont des prostituées. La police locale est sur les dents. Un homme clé pour diriger l’enquête : l’inspecteur George Knox, personnage austère aux états de services légendaires. Secondé par le détective Mark Burstyn, Knox se lance à corps perdu dans cette affaire obsessionnelle et s’enfonce dans l’abîme. Un abîme à l’image du chaos social et politique ambiant de cette Angleterre en crise.

Frédéric Fontès


samedi 11 août 2012

Des croix sur la route - Jeffery Deaver (2 Terres)

Après La Belle endormie, la nouvelle enquête de Kathryn Dance écrite par Jeffery Deaver, Des croix sur la route, sera publiée le 24 octobre par les éditions des 2 Terres. Après Meurtre.com et La Vitre brisée, Deaver revient à la menace que représente internet.

Confirmation du fait qu'il faudra patienter jusqu'en 2013 pour lire un nouvel opus des aventures de Lyncoln Rhyme (Bone Collector, L'Homme qui disparait). 

Des croix ornées de bouquets de roses bordent la route de la péninsule de Monterey. Or, elles ne sont pas là pour rappeler des accidents passés, mais pour annoncer des meurtres. Kathryn Dance, spécialiste du langage du corps et fine enquêteuse, essaye de découvrir qui est ce meurtrier qui se sert des détails intimes imprudemment semés sur la Toile par ses victimes. Elle suit la trace d'un adolescent instable, objet d'attaques incessantes sur le blog Le Rapport Chilton suite à un accident de la route qui a causé deux morts. Mais le jeune conducteur disparait à son tour. Dance ne tarde pas à cerner le profil des prochaines victimes. Commence une chasse à l'homme dans l'univers hasardeux de la blogosphère afin que disparaissent une fois pour toutes les croix sur la route.

Frédéric Fontès




Poche : J'attraperai ta mort - Hervé Commère

Le premier roman d'Hervé Commère, J'attraperai ta mort, sera disponible en format poche le 15 novembre 2012, aux éditions Pocket. À noter que son troisième roman, Le deuxième homme, sera publié le 11 octobre, aux éditions Fleuve Noir.

Vous y croyez vraiment, aux histoires de truand distingué? C'est une jolie maison en pierres, au bout d'un chemin, à Etretat. A l'époque, juste après sa plus belle prise, Paul Serinen y avait rangé son revolver et fait construire une véranda. Là-haut, par une petite fenêtre ronde, on distingue même un bout de la mer. Les propriétaires qui l'ont suivi, Alice et Matthieu, étaient eux aussi tombés sous le charme, c'était devenu leur nid d'amour. Mais on n'habite pas l'ancienne tanière d'un gangster sans "attraper" ses malheurs. Et être bientôt rattrapé par son passé. Quand ce passé est meublé de chevaux de course, d'une urne funéraire, de pierres précieuses et d'humiliation, vaut mieux ignorer ce qui s'est déroulé autrefois sous ce toit. C'était il y a presque dix ans, tout ça, et depuis peu, La Sauvagère m'appartient. Désormais, le dernier à en connaître toute l'histoire, c'est moi. 

Voici ce que j'en disais en 2011, juste avant la sortie des Ronds dans l'eau.
Habile Hervé Commère avec ce premier roman. J'ai pensé à Pierre qui roule de Westlake pour les coups "parfaits" et à Traces de François Boulay pour les changements de narrateurs. Héros attachants, suspense omniprésent, c'est malin et ça se lit très vite.
 Premier roman qui se révèle être parfaitement complémentaire avec les Ronds dans l'eau. On y découvre la même qualité dans la construction de l'intrigue et la grosse influence du destin dans la vie de personnages très attachants.
D'ailleurs, les lecteurs les plus attentifs trouveront à la fin des Ronds une référence à ce premier roman...

Frédéric Fontès

vendredi 10 août 2012

Chronique : Les Apparences de Gillian Flynn (Sonatine)

Présentation ICI
Méfiez-vous des Apparences dans ce nouveau thriller particulièrement diabolique signé Gillian Flynn.

Troisième roman de la romancière américaine, troisième claque. Avec les Apparences, Gillian Flynn ballade son lecteur dans un exercice de style particulièrement jouissif. Si celle-ci semble au premier abord s'éloigner de son univers de prédilection, c'est pour mieux y replonger dans une seconde partie détonante et particulièrement inquiétante. La dernière fois que j'ai ressenti un tel malaise, c'était devant l'angoissant film de Jaume Balaguero, Malveillance.

La romancière américaine aime surprendre ses lecteurs et elle le fait d'une bien belle manière. Le titre du livre en français accompagne chacune des phases importantes de l'histoire et prend alors une toute autre dimension dans les ultimes pages.

Gillian Flynn alterne la narration avec deux points de vues : celui de Nick, mari éploré et celui de sa femme, Amy, qui raconte son histoire via un journal intime, de sa rencontre avec Nick jusqu'au jour de sa disparition. La première partie alterne avec le présent et le passé. Jusqu'au moment où Nick découvre un terrifiant 'présent' qui devient cadeau empoisonné. Découverte qui fait basculer l'intrigue lors de la conclusion de la chasse au trésor annuelle organisée par cette dernière pour leur cinq ans de mariage, juste avant qu'elle ne s'évanouisse brutalement dans la nature.

Les apparences sont donc contre Nick qui devient alors le suspect numéro un de la disparition de sa femme pour les enquêteurs et des médias. L'étonnante vérité va lui faire prendre conscience qu'il a à faire à un adversaire redoutable et insoupçonné. Pour découvrir ce qu'est devenu sa femme, il va  signer un pacte avec le diable...

Ces Apparences représentent les deux facettes d'une même pièce. Quand l'une des faces est exposée à la lumière, l'autre œuvre toujours dans l'ombre.  Et quand l'histoire prend son rythme de croisière, la pièce tournoie sur son côté tranchant sous l'impulsion de la romancière, scintille en captant des raies de lumière, chute et expose son incroyable vérité.

La fin m'a littéralement estomaqué. C'est une conclusion coup de poing un peu frustrante et très pessimiste, mais c'est là la marque de fabrique de l'univers de Gillian Flynn. Comme dans ses autres romans, elle donne à l'espoir un goût acide qui brûle la gorge et nous plonge au fil des pages dans un oppressant pessimisme savamment orchestré. On ressent ce mal de manière viscéral, bien après avoir tourné la dernière page, qui nous abandonne à notre sort.

Si vous avez aimé Robe de marié et Alex de Pierre Lemaitre, si vous attendez d'un livre qu'il vous transporte et vous surprenne, alors ce troisième rendez-vous de Gillian Flynn avec ses lecteurs français est à ne pas rater.

Frédéric Fontès



 Frédéric Fontès