mardi 19 avril 2011

Train d'enfer pour ange rouge de Franck Thilliez : la chronique

Depuis six mois que Suzanne a disparu, le commissaire Franck Sharko erre dans un monde peuplé de ténèbres. La découverte d'un cadavre cruellement mutilé, en une mise en scène défiant l'imagination, va le propulser au cœur d'une implacable machinerie meurtrière. Un voyage hallucinant et halluciné, des carrières granitiques bretonnes aux sordides backrooms sadomasos de Paris... Tapie dans l'ombre de la Toile, serait-ce la résurrection de l'Ange rouge, cet esprit machiavélique qui mène la danse à train d'enfer ? Et ce n'est pas Poupette, sa loco modèle réduit, seule encore à apaiser ses tourments, qui pourra lui indiquer la voie.

Ma première rencontre avec l'univers de Franck Thilliez c'est faite en 2007. Je vais petit à petit rapatrier ici les différentes chroniques de lecture que j'avais publié en ligne de ci de là. Celle-ci à quatre ans, merci de votre indulgence ...
Cela faisait un bail que je ne m'étais pas laissé embarquer dans une telle histoire. Depuis l'Ombre de Janus de Laurent Scalese, par exemple, ou le Vol des Cigognes de Grangé. D’ailleurs je pense que JJC a trouvé un sérieux concurrent en la personne de Franck Thilliez.

C'est nerveux, c'est viscéral, c'est un mélange de frustration, de colère et de rage. C'est Sharko, mais au service d’une histoire écrite comme du papier à musique. Ce qui caractérise ce roman, c’est sa propension à trouver, dès les premières pages de son histoire, un rythme, un tempo qui ne baissera pas de cadence avant la fin.  Une fois que le processus est en marche, rien ne peut l’arrêter.  C’est une fuite inexorable vers la résolution mais contrairement à un roman classique où nous avons l’habitude d’obtenir de la fin d’un roman une fin heureuse ou du moins, une fin qui va rétablir le statut quo, nous savons d’entrée que le roman de FT ne va rien arranger, que cette enquête de Sharko ne va pas se conclure sans laisser de traces. Nous le savons, cette enquête n’est pas comme les autres, ces épreuves consument Sharko. La question, c’est de savoir comment il va encaisser ça, comment il va arriver à assimiler cela pour la bonne tenue de l’enquête.

Franck Thilliez nous présente un personnage dont les actions et les choix ne vont pas avoir que de bonnes conséquences. L’histoire gagne en crédibilité puisque son héro n’est pas parfait, et qu’il n’est pas la force en présence qui va rétablir l’équilibre entre le bien et le mal, puisque quoique l’on fasse, le mal aura de terribles répercussions et que quoique l’on fasse de bien, ça n’éviteras pas le carnage.

Le processus est en marche et rien ne va pouvoir l’arrêter, avant qu’une occasion se présente. Une occasion, une seule et ce n’est pas forcément le héros qui va pouvoir la saisir. C’est logique mais on n’est tellement habitué au schéma classique, meurtre-enquête-résolution-la vie est belle, que l’on oubli quand même l’investissement psychologique et personnel du héros dans cette enquête et que quoi qu’il arrive, ce qu’il va voir va le changer à jamais.

Ce que l'on trouvera d'assez époustouflant dans ce roman, c’est que les personnages sont au service de l’histoire et pas l’inverse. C’est l’humain qui dirige, qui prend possession de cette histoire. C’est une logique assez simple qui fait avancer l’histoire, des raisonnements évidents et pas tirés par les cheveux, qui font que le récit s’articule d’une manière naturelle.

Pourquoi Sharko est aussi sympathique aux yeux du lecteur ? Parce que le lecteur a conscience que Sharko se consume, nous nous rendons compte en même temps que lui qu’il sacrifie à chaque moment important de l’histoire une partie de lui-même. Nous savons que ce qui fait sa force, c’est cette capacité à consumer un peu plus chaque jours ce qui lui reste d’humanité.

C'est pour cela que nous allons pouvoir faire le parallèle avec le dernier livre de Thomas Harris, qui nous conte les origines du mal d'Hannibal Lecter. TEAR nous conte les origines du mal qui va consumer Sharko. Le mal qui en fait sa force puisqu’il a décidé d’embrasser cette cause en s’imprégnant corps et âmes de son énergie néfaste. Ce n'est pas dire que Sharko est voué à devenir un monstre lui aussi, non mais juste que Franck Thilliez « déshabille » son personnage de toute ce qui pourrait en faire un homme sain et heureux. Il le dépouille de tout, jusqu’à nuire sérieusement à son équilibre psychologique, pour nous montrer ce qui fait l’essence de son personnage et nous transmettre ces sentiments qui vont le garder vivant : les tripes, la rage, la colère, la frustration, la vengeance, plein de choses à la base négative qui vont agir comme l’adrénaline agit pour faire repartir un cœur à l’arrêt.

Car c’est cela qui caractérise Sharko : c’est une sorte de mort-vivant, un gars qui a toute les raisons d’être mort en dedans mais qui poursuit sa route. Un gars qui n’en reste pas moins des plus attachant et sympathique. C'est un combattant, un survivant.
Et c’est exactement à ce genre de personnage que nous avons à faire quand nous commençons à lire la suite, Deuils de Miel.

Pour revenir à l’histoire elle même, c’est vrai qu’il y a des choses qui vont vous étonner au début. On aime bien ce que Franck fait vivre à Sharko, puisque l'on partage son impuissance, on se retrouve sous pression comme lui, on se bouffe les ongles comme lui. Nous sommes tour à tour dégouté, surpris, enragé, révolté, frustré, etc.

Après, nous savons que le but de l’auteur, c'est d'amener son personnage là où il veut qu'il arrive, mais c'est assez frustrant de le voir arriver seul à l'abattoir, par exemple ...

Et la suite confirme cette frustration puisque l’on se dit « mais merde, il est con ou quoi, fallait s’y attendre… » Mais justement, c’est ce qui devient la part de fatalité. Quoiqu'il arrive, Sharko ne peut pas être tenu responsable des agissements d’un fou, puisque quoi qu’il y fasse, son adversaire aura un coup d’avance sur lui et pourra se jouer de lui. L’adversaire peut prévoir et c’est ce qu’il fait très bien… Trop bien même.

Frédéric Fontès

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