mercredi 31 mars 2010

Chronique : Un dernier verre avant la guerre - Dennis Lehane (Rivages)

Amis d'enfance, Patrick Kenzie et Angie Gennaro sont devenus détectives privés à Boston. Ils sont engagés par le politicien Mulkern pour retrouver Jenna Angeline, la femme de ménage noire du sénateur Paulson. À la veille du vote au Sénat d'une importante loi contre le terrorisme de rue, elle s'est enfuie avec des documents confidentiels. Rapidement, le duo de détectives découvre que ce ne sont pas des documents qui ont été volés, mais des photos accablantes pour le sénateur. Leur enquête, qui se déroule dans un climat d'extrême violence, déclenche une guerre entre les gangs de rue – constitués d'adolescents noirs – qui s'entretuent pour s'emparer du marché du crack.

Un dernier verre avant la guerre est sombre et plutôt douloureux pour ses "acteurs". Il a le goût de l’alcool et du sang. Il réveille les courbatures et les brûlures engendrées par les blessures. Heureusement que le sourire et la main d’Angie Gennaro viennent un peu réchauffer tout cela. Mais c’est bien ce qui fait le charme d’un roman noir. Une mise en avant de la noirceur par une faible présence de lumière. Comme une ombre qui se dessine devant des flammes.
«Il y a un bar au coin. Je vous paie un verre avant la guerre. » Devin, le flic.
Le dernier verre avant la guerre, c’est la dose d’alcool que l’on absorbe en espérant qu’elle va endormir la peur qui nous vrille le ventre. C’est quand on fait tourner les glaçons dans le verre avec mélancolie en se disant que ça sera peut être le dernier. Le calme avant la tempête.

Denis Lehane fait aussi bien parler ses personnages qu’il les fait penser. La narration via les pensées de Patrick Kenzie réserve quelques passages assez savoureux. Ce personnage torturé par les souvenirs traumatisants de son enfance nous fait partager la vision du monde qui l’entoure. Peu réjouissante donc, mais noire et réaliste. Il décrit très bien la laideur que l’on cache en nous, celle que l’on emprisonne mais qui nous fait faire des choses insensées quand on a le malheur de la libérer.
« Une fois que cette laideur nous a été inoculée de force, elle devient partie intégrante de votre sang, elle le dilue, elle bat dans votre cœur et en ressort en salissant tout sur son passage. La laideur ne s’en va jamais, ne sort jamais, quoi que vous fassiez. Celui qui pense autrement est un naïf. Tout ce que vous pouvez espérer faire, c’est la contrôler, l’enfermer tout entière dans une petite boule, dans un petit coin, et l’y contenir, un poids constant. »
Cette pensée du héros irait très bien avec un autre personnage de Denis Lehane, Jimmy Markum, « héros » consumé par la mort de sa fille dans Mystic River, un autre chef d’œuvre de l’auteur. Du coup, une fois terminée ce dernier verre, on a qu’une envie, le remplir à nouveau et attaquer le chapitre suivant des aventures de ces deux personnages très attachants.

À suivre donc avec Ténèbres, prenez-moi la main.

Par contre, on pourra coller un petit carton à l'éditeur Rivages, pour des bêtises que l'on ne devrait pas trouver dans un poche à 9 euros pièce :

* Des tirets de dialogue au début des discours du narrateur, à de multiples reprises.
* Une majuscule oubliée à un prénom en début de phrase.

C'est léger pour le moment, cela arrive mais bon, quand on veut vendre un poche à ce prix là, on est en droit en tant que lecteur, d'avoir le top du top, et là, ce n'est pas le cas ... Surtout quand il s'agit d'un livre qui a du être ré édité depuis ...

Frédéric Fontès

Aucun commentaire: