dimanche 28 février 2010

Shutter Island de Dennis Lehane


Shutter Island est un îlot au large de Boston où un hôpital psychiatrique semblable à une forteresse accueille des pensionnaires atteints de troubles mentaux graves et coupables de crimes abominables. Un matin de septembre 1954, le marshall Teddy Daniels et son équipier Chuck Aule débarquent sur cette île pour enquêter sur l’évasion de Rachel, une patiente internée après avoir noyé ses trois enfants. Dès leur arrivée, les deux policiers perçoivent l’étrange atmosphère de ce lieu clos. Ils comprennent vite que personne ne les aidera dans leur mission et ils se posent plusieurs questions : quel rôle jouent sur l’île les médecins qui dirigent cet hôpital et quelles méthodes expérimentent-ils sur leurs patients ? À quoi sert le phare qui domine l’îlot et dont l’entrée semble inaccessible ? Persuadés que l’évadée a bénéficié de complicités, les deux marshalls vont ruser pour découvrir tout ce qu’on leur cache mais un message codé laissé par Rachel les enfonce davantage en plein mystère. Petit à petit, ce drame fait ressurgir chez Teddy des éléments de son passé : il a connu la douleur de perdre sa femme dans un incendie criminel. Mais lorsque Chuck Aule découvre que le pyromane responsable des malheurs de son collègue se trouve interné sur l’île, il s’interroge sur Teddy : celui-ci est-il venu pour enquêter ou pour se venger ?

Maintenant, un choix s'offre à vous. La Fin des Mystères, Scarlett Thomas.


Shutter Island, c’est un cauchemar où rêve et réalité co-existent. Où l’amour caresse et brûle. Comme Teddy, dès les premières pages, on sent que cette île dégage quelque chose. En fait, on découvre au fur et à mesure que c’est un personnage à part entière de l’histoire. Elle palpite, elle gémie, elle est pleine de mystères et surtout de secrets …

On savait déjà que Dennis Lehane était un maître en la matière, pour nous dépeindre des ambiances noirs, pessimistes, claustrophobiques, et romantiques. Là, il nous prouve aussi qu’il est doué pour la mécanique, et l’horlogerie.

Shutter Island est comme une boule de neige, qui grossit au fur et à mesure, jusqu’à devenir incontrôlable pour celui qui la lance ou pour celui qui se trouve piégé par son ombre grandissante. Une course poursuite vers l’inconnu, jusqu’à l’essoufflement. D’ailleurs, il est assez étonnant de constater que l’auteur parvient à faire transférer cet engourdissement au lecteur. On se surprendra donc à lire la fin dans un état second, cotonneux, abasourdie par la simple vérité des faits.

On ne peut que conseiller d’autres livres du genre, comme Hématome de Maud Mayeras, l’Analyste de John Katzenbach, la Mémoire Fantôme de Franck Thilliez, et Thérapie de Sébastian Fitzek.

L’un des autres points commun, entre certains de ces romans, c’est la manière dont les auteurs vont conditionner le lecteur. Et faire de lui un personnage puisque il va devenir un patient, qui sera lui aussi immerger dans un monde et un univers qu’il va découvrir au fur et à mesure.

Il devra démêler le vrai du faux. Il devra croiser les yeux de gens qui mentent, remarquer les traces de cirages sur ses doigts, remarquer un objet déplacé. Et quand l’on conditionne quelqu’un, on touche à sa conscience. On joue avec les limites de la réalité et de la perception qu’on lui impose.

A quel point le conditionnement est-il à l’origine de notre conscience de ce qui nous entoure ? Un autre point commun entre un patient et un lecteur, c’est ce sentiment d’oppression, d’enfermement face aux questions qui restent sans réponse et face aux nouveaux mystères qui viennent épaissir un peu plus la vision périphérique du personnage. Jusqu’au moment où une brèche naît au milieu de ce brouillard …

P211, Cawley : « - Je l’aimais comme on aime … Non, en fait, il n’existe rien de comparable. Ce genre de sentiment n’a pas d’équivalent, n’est ce pas ? […] – C’est un don en soit. »

P225, Teddy : « Alors, il s’était penché un peu plus pour lui chuchoter des choses à l’oreille. […] C’était pur. Sans doute le sentiment le plus pur qu’il ait jamais éprouvé. […] C’était donc ça l’amour, avait-il songé. Un sentiment sans aucune logique – après tout, il la connaissait à peine. Mais un sentiment qui s’imposait de lui-même. Il venait de rencontrer la femme que, d’une certaine manière, il connaissait avant même d’être né. La somme de tous ses rêves qu’il n’avait jamais osé caresser. »


Le cœur du roman, son essence au final, c’est l’amour. C’est ce qui est à l’origine de tout le processus qui mène aux dernières pages, au moment où l’on se retrouve devant le rideau pour découvrir la vérité. C’est ce sentiment qui contribue à nous mettre, lecteur, dans cet état cotonneux et étourdi, jusqu’à la dernière page.


Frédéric Fontès

6 commentaires:

RobbyMovies a dit…

Merci pour tes conseils à propos d'autres romans dans le genre, car celui-ci m'avait enthousiasmé !
Et merci à Erik Wietzel d'avoir insisté pour que je le lise... ^^

A+ !

artemus dada a dit…

Superbe roman, extraordinaire construction, ambiance, histoire : tout est bon dans Shutter Island.

L'or des chambres a dit…

Il m'attend sur ma PAL celui là, à voir tous ces billets enthousiastes j'ai de plus en plus envie de le lire... Mais j'ai un peu peur que ce livre ne me remue trop profondément... Ton billet est superbe, j'aime beaucoup les mots que tu emploies et ta phrase de conclusion. Bon dimanche !

4decouv a dit…

Bonne lecture, bon dimanche à toi aussi (pour ce qu'il en reste :p )

Erik Wietzel a dit…

Ouaip, très forte lecture l'an dernier. En plus, je venais de terminer un document sur les expériences en hôpital psychiatrique aux USA, après guerre. J'étais en plein dedans et la surprises - que dis-je, le génie - de l'intrigue a été d'autant plus forte !

Nenya a dit…

Shutter Island, je l'ai lu grâce à toi ! Ainsi que tous les romans de Preston et Child !Je vais donc me lancer dans une nouvelle aventure avec David Fulmer ! Je te redonnerai de snouvelles , Fredo !Merci pour tes bons conseils ! Bien elfiquement