jeudi 17 juin 2010

L'Interprétation des Meurtres de Jed Rubenfeld

En 1909, accompagné de son ami Ferenczi et de son disciple Jung, Sigmund Freud, dont les théories à propos du comportement, du sexe, et de la psychologie faisaient grand bruit, fit son seul et unique voyage à New York, pour donner une série de conférences. Malgré l’immense succès de cette visite, par la suite, Freud en parla toujours comme d’une expérience traumatisante, traitant même les Américains de « sauvages ». Ses biographes se sont longtemps interrogés sur ce qui avait pu se produire là-bas, allant jusqu’à envisager la possibilité d’un événement inconnu de tous, expliquant ces réactions autrement incompréhensibles chez Freud…
S’inspirant de ce fait toujours débattu, Jed Rubenfeld nous livre un thriller historique à l’intrigue impeccable, où Freud et ses élèves croisent dans un New York en mutation un tueur au goût affirmé pour les fraîches et provocantes héritières. Ou comment Hamlet, Oedipe, Sade (cravache à l’appui) et Jack l’éventreur se rencontrent…

Voici ce que j'en disais en octobre 2007 :

L’histoire est racontée à la première personne, du point de vue du Docteur Stratham Younger, jeune psychanalyste américain, qui va accompagner le Docteur Freud pendant son séjour aux États-Unis. Nous passons d'un chapitre à l'autre des points de vue du Docteur Younger, du médecin légiste, d’un enquêteur et parfois avec celui … du tueur.

Les amoureux des quartiers américain du début du 20ème siècle seront ravis de lire des descriptions précises du formidable élan architectural naissant aux USA dans ces années là.
Sans être rébarbatif, le style de Jed Rubenfeld se veut réaliste et il dépeint aussi bien ses personnages que le décor dans lequel ils évoluent. D’ailleurs, c’est avec un plaisir non dissimulé que l'on découvre que les chapitres du thriller alternent avec des anecdotes de la vie de l'époque, de ses us et coutumes, une manière de bien situer ce à quoi le héros est confronté. C’est une sorte de journal de bord qui va permettre au lecteur de s’immerger dans cet univers. Les nombreux détails qui y sont relatés rendent la lecture plus lente mais celle-ci n’en est que plus savoureuse. Savoureuse parce qu’il plane au dessus de ces histoires situées en 1900 un romantisme qui ne peut pas nous laisser de marbre.

L'auteur se charge de rendre intéressant un sujet plutôt casse-gueule dans un thriller : l’analyse et la psychanalyse. John Katzenbach a lui aussi abordé avec succès ce sujet dans le tout aussi génial l’Analyste.
Au sujet de la psychanalyse et des transfères patients/analyste et analyste/patients, un passage intéressant du livre page 151 :  


« Il vous faut traiter ces sentiments comme des données : vous devez les arranger de manière stratégique. Ils sont fictifs. Ils n’ont pas plus de réalité que les sentiments d’un comédien sur scène. Un bon Hamlet ressentira la rage envers son oncle, mais il ne commettra pas l’erreur de se croire vraiment en colère contre son collègue tragédien. Il en va de même de l’analyse. »

Quelques lignes plus tard, nous apprenons l’origine du nom de la maladie des caissons. Intéressant d'apprendre des choses à l’occasion d’une de ses lectures. Des livres et des histoires qui vulgarisent aussi bien des sujets aussi ardus, ça ne court pas les rues.

C'est tout aussi intéressant quand Caleb Carr parle du métier de l’Aliéniste dans le roman du même nom. Quand John Darnton nous raconte la vie de Darwin dans la Conspiration Darwin. On dévore le livre de Louis Bayard sur la jeunesse d’Edgar Allan Poe dans l'Oeil bleu pale, on savoure les aventures de Sir Arthur Conan Doyle et d’Houdini dans Nevermore de William Hjortsberg. On s’enthousiasme en lisant les aventures d’un prestidigitateur dans Carter contre le Diable de Glen David Gold. Et puis pour conclure celle petite liste, on ne peux pas manquer de parler de l’excellent Rectificateur de Jeffery Deaver.

Ça ne court pas les étalages mais ça existe !!!

La manière dont Jed Rubenfeld gère ses personnages, avec ces différentes tranches de vies qui gravitent les unes autours des autres, cette ambiance et cette dureté, ne sont pas sans rappeler le style de James Ellroy et son génial L.A. Confidential. Souhaitons à l’auteur d’avoir autant de succès qu’Ellroy, ça ne serait que mérité.

Léger bémol pour la fin et les explications un peu tarabiscotées. Tellement de facteurs rentrent en compte que finalement, cette fin de roman est impossible à raconter sans se prendre les pieds dans le tapis. Cela n’enlève pas d’intérêt au roman, loin de là, mais c’est dommage car cela empêche peut être le livre de friser la perfection.

Tout aussi passionnantes, les dernières pages, note de l’auteur, où ce dernier nous explique ce qui est vrai dans son roman, et les libertés prises avec la chronologie, etc.

Et puis pour finir, difficile de parler de ce roman sans parler du très bon travail de la traductrice, Carine Chichereau, qui a dû abattre un sacré boulot afin d' adapter ce roman bourré de références médicales. Grâce à elle, la lecture du livre est limpide et agréable.

Encore un roman donc, qui donne envie de découvrir la véritable histoire de l'un de ses personnages, Sigmund Freud. Voici quelques liens :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sigmund_Freud
http://www.infoscience.fr/histoire/portrait/freud.html

Aucun commentaire: