lundi 30 septembre 2013

Entretien avec Antoine Tracqui (2-3)

Deuxième partie de l'interview consacrée à Antoine Tracqui pour son roman Point Zéro. La précédente série de questions est disponible ICI.

5/ Frédéric Fontès : Comment expliquez-vous que ce genre soit si rare en France ? C'est difficile de faire une liste mais on arrive presque à une petite dizaine de noms : Marin Ledun (Zone Est), Gilles Haumont (L’Origine du mal) , Guillaume Lebeau (Pentagone), Philippe Cavalier (Le Siècle des chimères), Yal Ayerdhal (Transparence) ou Aurélien Molas (Les Fantômes du Delta).

Antoine Tracqui : Alors là, j’ai un peu honte de mon inculture, parce qu’à part Ayerdhal je n’ai jamais entendu parler de ces messieurs !! (du coup j’implore leur indulgence). C’est marrant, parce que les noms qui me viennent à l’esprit quand je pense au (techno)thriller à la française, c’est plutôt l’immense Maxime Chattam, Franck Thilliez, Cédric Bannel ou, pourquoi pas, Maurice G. Dantec tout au moins à ses débuts.
Franck Thilliez
Pourquoi, en comparaison du polar ultra-représenté, le genre est-il si rare en France ? J’ai bien ma petite idée, mais il m’est assez difficile de la développer sans me lancer dans des considérations politiques qui risqueraient de m’aliéner une partie de mon lectorat... Essayons néanmoins : trop ricain ? trop militariste ? trop scientiste ? trop tourné vers la réussite individuelle et la consommation effrénée d’énergies fossiles ? (horreur ! pas un seul bâtiment basse consommation dans Point Zéro !!) pas assez soucieux des débats sociétaux, des minorités (forcément opprimées) ou du commerce équitable ?... Ajoutons à cela - je sais, je me répète, mais c’est quelque chose qui me gave profondément ! - cet a priori négatif que nous autres Français avons souvent à l’égard du progrès scientifique...
Débat à suivre dans lequel j’éviterai d’en dire plus, tout en soulignant que de mon point de vue perso les littératures de l’imaginaire doivent être avant tout populaires (c’est-à-dire divertissantes et sans prise de tête, en d’autres termes des « romans de gare » ou des « romans de plage », dénominations qui pour moi n’ont rien de péjoratif, bien au contraire !) et pas nécessairement vectrices d’un quelconque message pédagogique...


6/ FF : Je me trompe ou peut-on sentir l'influence des comic books dans certains de vos personnages, je pense en particulier à celui qui fait écho à Tony Stark ? D'ailleurs, peut-on savoir pourquoi vous ne citez qu'une partie du nom de ce personnage, qui a vraiment existé ?
Iron Man, alias Tony Stark, par Don Heck

AT : Bien vu, mais ça ne se limite pas aux comics : je suis un grand amateur de BD en général, d’ailleurs j’en lis de plus en plus alors que pour les bouquins c’est le contraire ; la raison en est simple : depuis quelques années et surtout depuis que j’ai commencé à écrire, je n’ai plus beaucoup de temps à consacrer à la lecture (une demi-heure tard le soir avant de faire dodo, en moyenne...). A ce régime, difficile de se lancer dans des pavés style Point Zéro (simple exemple !), d’autant que je déteste saucissonner ma lecture par tranche de 50 pages quotidiennes ! Une BD par contre, c’est juste la longueur qu’il faut pour bien finir la journée...
Question genres BDesques, je suis extrêmement éclectique ce qui explique le volume de ma collection (60 cartons au dernier déménagement !) et les récriminations quotidiennes de Madame quant à l’espace vital dont ça nous prive... en gros ça va de la Métamorphose de Kafka version image (c’est Delcourt qui a osé) aux Sales blagues de Vuillemin, en passant par Riad Sattouf (ah... Pascal Brutal !), Ben Templesmith (peut-être mon dessinateur de comics préféré) ou les jubilatoires Doggybags du Label 619... A partir du moment où ça saigne et qu’il y a des gros mots, en général je suis preneur.

Certains de mes héros, indéniablement, ont subi cette influence. Par exemple :

- pour Poppy, j’avais déjà signalé dans une autre interview sa filiation avec Yiu, de Téhy et Vee. A la réflexion, j’en vois au moins deux autres : la très sexy Jakita Wagner de Planetary et la non moins talentueuse Carmen Mc Callum ( ), qu’on ne présente plus (au fait... ne serait-ce pas une cousine de Caleb Mc Kay ????). Dans les deux cas des brunes plutôt pas commodes, plus douées pour le massacre à la hache que pour les conversations mondaines... il suffisait d’ajouter un catalogue fourni d’obscénités, un peu de crasse ainsi que quelques relents de bourbon et de vomi, et le plat est servi ! 

Jakita Wagner
- au physique, One-Shot alias Vassili Hautamäki s’inspire d’un des Fantastic Four (devinez lequel !), mais aussi d’un personnage de Stormwatch : Team Achilles (certes pas la plus connue des suites de l’univers Stormwatch/Authority), le délicat Jukko Hämäläinen - également un colosse finnois couvert de cicatrices ; cependant ceux qui ont lu ce comics conviendront avec moi que la ressemblance s’arrête là...

Jukko Hämäläinen
- quant au général Iazov, il doit beaucoup (y compris dans la scène où nous faisons sa connaissance !) à l’une des premières BD de Bilal, Partie de Chasse ( ici )... j’ai littéralement adoré le personnage très shakespearien de ce vieux général soviétique, un véritable salopard impitoyable, mais qui à la toute fin de son existence va faire le geste qui sauve, celui grâce auquel l’univers monstrueux qu’il a contribué à créer ne va pas devenir pire encore. Pour moi c’est vraiment un très grand chef d’œuvre, qui depuis de nombreuses années trône à la place d’honneur de ma bibliothèque... et j’ai beaucoup de mal à imaginer Iazov autrement que le vieux type que l’on voit sur cette couverture !

Pour ce qui est enfin du personnage qui vous fait penser à Tony Stark, désolé cher Frédéric mais vous vous êtes trompé d’une génération... en fait il fallait citer Howard Stark, le père du susnommé (celui qu’on voit jeune dans le film Captain America et qui, pour le coup ( indice ), ressemble comme deux gouttes d’eau au personnage historique qui nous intéresse). Quel personnage ?? Allons... encore un effort : multimilliardaire / cinéma / chapeau / gros avions / Las Vegas / mort reclus et comme un clodo... ça ne vous dit vraiment rien ???
Ah oui... cette histoire de prénom... là, désolé, je ne peux rien dire car c’est un private joke entre moi et mon éditeur que j’aime. Mais l’explication viendra peut-être (ou pas) dans le tome 2 ou le tome 3 !


7/ FF : Comment parvient-on à associer avec une aussi belle réussite autant d'ingrédients sans que cela soit indigeste pour le lecteur ? C'est fluide, les fins de chapitre sont pleines de suspense et vous passez allègrement d'un fait historique à des explications scientifiques sans oublier la parfaite caractérisation des personnages. Et tout cela dans un premier roman. Épatant ! Je crois qu'il y a plein de gens qui souhaitent connaître votre secret...

AT : Bon, alors là je suis un peu fatigué et vu que le copier-coller c’est très utile dans ce genre de situation, je vous engage à aller ici (réponses 3 et 6).

Suite et fin de l'entretien ICI.

Frédéric Fontès, 4decouv

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