mercredi 12 juin 2013

Chronique : Premier sang - David Morrell (Gallmeister)


C'est un époustouflant premier roman de David Morrell que viennent de rééditer les éditions Gallmeister. Il s'agit de l'édition intégrale du texte (la première version du texte publiée par les éditions Belfond semble avoir subit quelques coupes) avec une traduction revue et corrigée d'Eric Diacon.

Mais d’abord, il faut désapprendre ce que l'on croit connaitre de Rambo via son incarnation au cinéma. Premier sang est l'occasion de redécouvrir sa véritable histoire.

Contrairement à ce que le film de Ted Kotcheff a choisi de nous faire croire, Premier sang n'est pas l'histoire d'un malentendu et simplement un délit de sale gueule. Ici, on est très loin du personnage de shérif plouc incarné par Brian Dennehy au cinéma. Pareil pour Rambo qui dans le livre est surnommé le gamin pour sa jeunesse et qui est bien plus bavard que le gars (un peu) pataud incarnée par Sylvester Stallone dans le film.

Ce qu'il y a de troublant dans le texte de David Morrell est sa manière dont il fait doucement évoluer la polarité des deux personnages. Aussi troublant que cela puisse paraitre, notre opinion sur les deux héros du roman évolue en même temps que l'on prend conscience des changements qui s'opèrent en eux. Parce que oui, dans le roman, le shérif Teasle est un héros à part entière. Avec certainement autant de casseroles accrochées aux pieds que Rambo.

David Morrell a écrit un roman à deux voix, mettant face à face deux animaux blessés, deux visions qui s'opposent qui vont même s'intervertir pour finalement ne plus faire qu'une. On alterne les points de vue entre Rambo et le shérif Teasle avec la régularité d'un métronome pour conclure sur un final stroboscopique.

Ce n'est pas que l'histoire d'un duel opposant deux hommes, ou deux générations. C'est une fable qui évoque la part d'ombre que l'on garde en soit et qui nous dévore. Cette chose qui peut hanter des anciens soldats et qui ne demande parfois qu'à sortir. Maintenant, on parle de trouble de stress post-traumatique, comme l'auteur l'évoque à la fin de cette édition.

En filigrane, David Morrell joue subtilement sur la corde sensible en introduisant avec le personnage de Teasle la figure paternelle. Teasle, enfant adopté par un homme autoritaire, Orval (l'homme aux chiens qui devient un benêt lui aussi dans le film) et qui a contribué à faire de lui l'homme intransigeant qu'il semble devenu. Teasle, encore qui voit peut être en Rambo une part de lui même. Sa part d'ombre ?

Du coup, on se retrouve avec un schéma assez curieux : Orval, éleveur de chiens, père de substitution de Teasle. Teasle qui a des relations conflictuelles avec Orval et qui joue le père fouettard avec Rambo. Teasle qui est à la tête d'un groupe d'adjoints dont il se sent responsable. On sait aussi que sa femme l'a quitté quand il lui a signifié son désir d'avoir un enfant. Et Rambo dont les figures paternelles prennent forme sous les traits de Trautman, un être distant dont il ne connait finalement que la voix et bien plus tard, de Teasle. Au fur et à mesure, on découvre donc trois pères (Orval, Teasle et Trautman) dans le dénis ou le regret.
Et un fils qui fait ce pour quoi il a été éduqué. 

Il y a certainement mille choses à développer encore à ce sujet. Je comprends mieux pourquoi le roman de David Morrell est longtemps resté un sujet d'étude pour des étudiants.

Ce troublant Premier Sang est un chef d’œuvre du genre et hante son lecteur longtemps après la dernière page. Une histoire à redécouvrir d'urgence.

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Merci à Philippe pour les infos sur la traduction d'origine. 

Frédéric Fontès, 4decouv

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